La masse osseuse et la gravité de la cholestase déterminent les risques de fractures chez des patients atteints de cirrhose biliaire primitive.

Núria Guañabens
Les unités des maladies osseuses métaboliques et du foie
Université de Barcelone. Espagne.

La faible masse osseuse est une complication bien connue de la cirrhose biliaire primitive (CBP).

 Cependant, pendant des années il a été débattu de l'opportunité de considérer si la CBP augmentait le risque supplémentaire pour l'ostéoporose ou si c’est la gravité de la CBP qui devrait être pris en compte chez les femmes post-ménopausées d'âge moyen. À cet égard, nous avons récemment rapporté que l'ostéoporose est plus fréquente chez les femmes atteintes de CBP plutôt que chez les sujets sains du même âge. Cependant, l'influence de l'ostéoporose et la gravité de la maladie du foie sur le risque de fracture dans la CBP n'est pas bien caractérisée. Par conséquent, nous avons étudié  des cas de femmes atteintes de CBP ayant été soignées à clinique hospitalière de Barcelone. Les objectifs étaient d’évaluer  la fréquence et les facteurs de risque de fractures ainsi que la gravité de ces dernières.

   L’étude porte sur le cas de 185 patientes atteintes de CBP  et âgées de 55,7ans ± 0,7. Les facteurs d’évaluation sont l'âge, la durée de la CBP, le statut de la ménopause, l'état histologique et la sévérité de la maladie du foie. Nous avons enregistré les fractures vertébrales et non vertébrales, et ainsi le diagnostic de l'ostéoporose et de l'ostéopénie a pu être établi  par densitométrie.

   Le pourcentage des fractures vertébrales, non vertébrales et d’autres fractures est respectivement de 11,2%, 12,2% et 20,8%. L'ostéoporose a été significativement plus fréquente chez les patientes atteintes de CBP plutôt que les femmes espagnoles du même âge. L'ostéoporose a été associée avec l'âge, le poids,  la taille, l’état histologique, ainsi qu’avec la gravité et la durée des dommages au foie. Quant aux fractures, elles ont été associées à l'ostéoporose, à la ménopause, ainsi qu’à l'âge et à la taille des femmes, mais pas avec la gravité de la CBP. L'ostéoporose est un facteur de risque en ce qui concerne les fractures vertébrales,  les deux lombaires ainsi que les fractures du col fémoral. L’obtention d’un T-score de  <-1,5 augmentait d’une façon importante le risque de fracture vertébrale.

   En conclusion, nos résultats fournissent la prévalence des fractures vertébrales et périphériques sur une grande partie  des femmes d'âge moyen espagnoles touchées par la CBP. Les résultats démontrent que le risque de fracture est directement associé à une faible masse osseuse et indirectement associé avec la gravité et la durée de maladie du foie. En outre, l'identification d'une valeur seuil de la densité minérale osseuse, qui saisit la plupart des fractures vertébrales, a une utilité pratique dans la gestion de la maladie osseuse des personnes atteintes de CBP.

Référence:
Guañabens N, Cerdá D, Monegal A, Pons F, Caballería L, Peris P, Parés A. Low bone mass and severity of cholestasis affect fracture risk in patients with primary biliary cirrhosis. Gastroenterology 2010; 138:2348-2356.

Correspondance:
Núria Guañabens
Service de rhumatologie
Hospital Clínic
Villarroel 170
08036 Barcelone, Espagne
Courriel: nguanabens@ub.edu

La fonction musculaire et la cirrhose biliaire primitive :

explications des causes et traitement de la fatigue?

par les professeurs David E. Jones et Julia L. Newton

Newcastle University, R.-U. 

Plusieurs études menées en Amérique du Nord (notamment au Canada) et en Europe ont démontré que la fatigue peut affecter grandement les patients atteints de CBP. Il est très étonnant que l’ampleur de cette fatigue ne soit reliée à la gravité de la maladie du foie sous-jacente, ce qui signifie que le traitement du foie n’améliorera pas nécessairement la façon dont se sentent les personnes atteintes de CBP. Comme dans tout groupe de gens (n’oublions pas que la fatigue peut toucher différents groupes de gens), quand on souffre de CBP, la fatigue peut avoir de nombreuses causes diverses (et souvent une combinaison de plusieurs petites causes). C’est un aspect très important quand on songe à la meilleure manière de traiter la fatigue, car une des premières choses que nous faisons lorsque nous voyons en clinique un patient atteint de CBP et qui souffre de fatigue et que nous essayons de l’atténuer, est de se rappeler que les patients atteints de CBP peuvent souffrir d’autres maladies (de la thyroïde par ex.) ou des effets des médicaments, qui sont des causes de fatigue potentiellement traitables facilement.   

Cependant, si d’autres facteurs de maladie liés à la fatigue ne sont pas présents, les patients atteints de CBP éprouvent un type de fatigue assez particulier que l’on compare souvent à une « batteries faibles ». Nous avons démontré, d’après les descriptions et les impressions caractéristiques, que ce type de fatigue est lié à une activité physique réduite et aux difficultés décrites par les gens à répéter des activités physiques à plusieurs reprises. Nous avons voulu déterminer s’il s’agissait en fait d’un problème de fonction musculaire chez les patients atteints de CBP. Pendant de nombreuses années, il a été très difficile d’étudier cet aspect, jusqu’à ce que la technologie de l’imagerie progresse au point de nous permettre d’utiliser l’imagerie par résonnance magnétique (IRM : une technique que bon nombre de gens connaissent et qui consiste en un balayage corporel). L’IRM nous a permis d’étudier ce qui se produit dans les muscles et de vérifier s’ils fonctionnent normalement chez les personnes qui se sentent fatiguées. Cette recherche est maintenant publiée dans trois ouvrages scientifiques et elle donne un aperçu important de ce qui peut se produire chez les patients atteints de CBP et souffrant de fatigue et, qui plus est, de ce que nous pouvons faire à ce sujet. 

Notre première conclusion est que les muscles des patients atteints de CBP en tant que groupe, ont tendance à contenir trop d’acide à la fin d’une période d’exercice. En ce sens, il existe une grande similitude entre les patients atteints de CBP et les personnes qui ont fait une quantité extrême d’exercice. La quantité d’exercice que les patients atteints de CBP ont fait dans le cadre de cette étude pour obtenir cet effet était toutefois minime. Nous avons aussi remarqué un deuxième effet, qui était cette fois relié à la fatigue : les patients atteints de CBP ont une capacité variable à se remettre d’une quantité excédentaire d’acide dans les muscles. Les gens qui ont pu se rétablir très rapidement n’ont pas éprouvé de fatigue, peu importe le niveau d’acide contenu dans les muscles au départ. Les gens ayant un niveau élevé d’acide et n’ayant pu se rétablir rapidement étaient généralement très fatigués. Une deuxième étude a démontré que des changements semblables dans la façon dont les muscles s’activent étaient également présents dans le muscle cardiaque, ce qui porte à croire qu’il s’agit d’un effet présent dans tout le corps des personnes atteintes de CBP, pas seulement dans un ensemble de muscles en particulier. Notre dernière étude se penchait sur ce qui se produit lorsque les gens répètent le même exercice en prenant une période de repos entre chacun. Chose étonnante, nous avons constaté que les patients atteints de CBP avaient une aptitude relativement normale à réduire la production d’acide dans leurs muscles lorsqu’il s’agissait d’exercices répétés (quand les gens normaux font un exercice suivi d’une période de repos et qu’ils reprennent ensuite le même exercice, ils produisent moins d’acide lors du deuxième exercice parce que leur corps est préparé). Les patients atteints de CBP avaient en fait une étonnante aptitude à augmenter leur capacité à transformer l’acide. Il s’agit d’une importante conclusion car elle signifie que ce qui se produit aux muscles des patients atteints de CBP est potentiellement réversible. Ce qui est très frappant est que lorsque les gens entreprenaient le même exercice une troisième fois, ils perdaient l’amélioration après l’exercice et il leur fallait en fait plus de temps en général pour se remettre. Il y avait une différence frappante entre les patients atteints de CBP non fatigués et fatigués; en effet, nous avons constaté chez ces derniers une aptitude considérablement amoindrie à se rétablir. 

Que signifie tout cela pour un patient atteint de CBP qui éprouve de la fatigue musculaire?  Cela veut dire qu’il existe probablement une anomalie particulière à la CBP dans la façon dont les muscles produisent l’acide et il y a un processus secondaire qui représente la manière dont les processus normaux de rétablissement l’organisme peuvent surmonter cela. Certaines personnes y arrivent facilement, d’autres moins, et elles sont plus fatiguées. Soulignons que tous les patients atteints de CBP ayant participé à l’étude à ce jour remarquent une amélioration pour certains types d’exercices en ce qui a trait à la façon dont leurs muscles gèrent l’acide; toutefois, l’amélioration n’est pas suffisante. Par conséquent, nous devons travailler à l’amélioration de la capacité. La question évidente est de voir comment améliorer, chez les patients atteints de CBP, le rétablissement du niveau d’acide après l’exercice, et la réponse simple pourrait être que l’entraînement par l’exercice en vue d’améliorer la transformation de l’acide est la base des régimes d’entraînement d’athlétisme. La dernière partie de notre étude consistait donc en un petit volet où nous avons vérifié la mesure dans laquelle les patients peuvent gérer l’entraînement par l’exercice et si cela pouvait améliorer les symptômes. La réponse est qu’il était bien toléré et que les symptômes se sont améliorés. Il faudra maintenant que d’autres laboratoires fassent fond sur ce travail et qu’ils le répètent et nous devons déterminer le programme d’exercice qui sera le plus bénéfique et sans danger pour les gens. Donc, à l’heure actuelle, nous ne recommandons pas à tous de faire de l’exercice; nous conseillons aux gens qui en font de consulter leur médecin et de vérifier s’il convient à leur situation personnelle. Mais en bout de ligne, le message important est que la fatigue chez les personnes atteintes de CBP peut  avoir une composante musculaire particulière traitable et que l’entraînement par l’exercice constitue une orientation très favorable au traitement dans un domaine où d’autres études s’imposent grandement. 
 
 

La Société canadienne de la CBP n’est pas responsable des erreurs ou omissions de cette traduction.

 Last modified April 11, 2011